LE THEATRE A ROME

I - Les origines


En 364 avJC, les Romains empruntèrent aux Etrusques leurs danses et les utilisèrent lors des jeux. Mais c'est en 240 que naît officiellement le théâtre romain : les magistrats chargent un Grec, Andronikos, de donner les premiers Ludi Scaenici (jeux scéniques). Pour cela, il traduit en latin des pièces du théâtre grec. 'et seulement par la suite que des auteurs (Plaute, Térence, Sénèque) écriront des pièces originales, mais très fortement inspirées du modèle grec.

Au début les nobles Romains refusent qu'un théâtre soit construit dans Rome. Ils estiment que les représentations ne sont pas quotidiennes et craignent que ces lieux de rassemblement n'incitent les gens du peuple à faire de la politique en dehors des places publiques prévues à cet effet.
Malgré une tentative ratée d'édification en 154 avJC (destruction ordonnée par les Sénateurs), le premier théâtre en pierres n'apparaît à Rome qu'en 55-54 avJC. Le théâtre de Pompée (célèbre général romain) avait une scène de 80 mètres de largeur et pouvait rassembler entre 17 et 20 000 personnes.

II - Organisation

Après des débuts discrets, le théâtre se développe progressivement. Les représentations théâtrales figureront nénamoins dans la plupart des jeux à Rome et en province. Jusqu'à l'empire il était dshonorant de se produire dans des spectacles. Les acteurs étaient réputés infâmes et souvent privés du droit de cité romaine. Certains empereurs firent tourner l'opinion et certains mirent leur gloire à descendre dans l'arène ou à participer à certains spectacles.

Ces spectacles n'ont lieu qu'à l'occasion de solennités religieuses. Ils occupent souvent la journée entière et beaucoup commencent au petit matin, mais peuvent avoir aussi pour cadre la dédicace d'un temple, un triomphe (retour triomphal à la suite d'une grande victoire militaire) ou les funérailles d'un grand personnage.
A Rome comme à Athènes, le théâtre a un caractère religieux. Les représentations font partie du culte rendu à Bacchus, dieu de l'ivresse et de l'inspiration artistique, ainsi qu'à d'autres divinités qui lui sont associées.

Pour y assister les spectateurs ne paient pas de droit d'entrée. L'Etat subventionne un magistrat (édile) et prend les dépenses à sa charge . Le Dator ludi (magistrat qui préside les jeux), assisté d'un curator ludorum, engage un chef de troupe (dominus gregis). Celui-ci achète à un auteur une pièce (souvent pour un prix très modique).

Les acteurs (actores, histriones) et les danseurs (saltatores) sont généralement des esclaves ou des affranchis. Sauf pour les mimes, il n'y a pas d'actrice : les rôles féminins sont tenus par des hommes. Néanmoins, les acteurs plus généralement, portent selon leur rôle un masque (persona), des cothurnes (chaussures avec des semelles épaisses afin de les grandir). Les rôles de citoyens sont habillés d'une toge blanche, colorée s'il s'agit d'un personnage jeune. Les courtisanes portent une robe jaune en signe de cupidité. Quant aux esclaves ils portent une tunique courte. Tout cela permet donc aux spectateurs de les différencier simplement et rapidement.
Le maquillage est déjà utilisé. Ainsi, les visages sont blancs pour les femmes, rouges pour les esclaves, bruns pour les hommes libres.
Les figurants sont nombreux et les musiciens très présents. Ainsi, un joueur de tibia (double flûte) accompagne le jeu des acteurs.

Les accessoires sont plus perfectionnés que dans le théâtre grec. Ainsi, il existe un rideau de scène et des décors mobiles (souvent des peintures sur bois ou tissu). La Machina (machinerie, machina tractoria = grue) permet de créer les premiers "effets spéciaux" et donnent l'illusion de voir descendre du ciel des dieux. Les scalae orcinae (trappes) permettent aux fantômes d'apparaître et de disparaître facilement. Le réalisme de ce théâtre latin est poussé à son paroxysme : il peut arriver de représenter des scènes cruelles de torture, d'assassinat ou de bûcher. Des prisonniers, des esclaves ou des condamnés à mort, dans ce cas, remplacent au dernier moment les acteurs et sont exécutés sur scène.
Le dernier acteur en scène, à la fin d'une représentation demandait aux spectateurs d'applaudir ("plaudite") mais ce voeu était loin d'être toujours exaucé. En effet, le public réagit grossièrement et préfère les gaudrioles aux pièces littéraires. Aussi y a-t-il souvent des incidents : les acteurs qui déplaisent peuvent être chassés de scène et battus. Pour éviter ce genre de fin tragique, le dominus gregis engage un chef de claque et des claqueurs qui ne font pas toujours l'unanimité s'ils sont repérés par un public mécontent.

Le public est composé de toutes les différentes couches de la population, mais il est d'usage de revêtir la toge (vêtement de cérémonie) pour aller au théâtre. L'accès est permis à tous : hommes, femmes, enfants et esclaves.

III - Le théâtre

Les représentations ont lieu dans des constructions en bois temporaires, puis dans des enceintes hémicycliques en pierre (cf théâtre de Pompée, Orange).


Vocabulaire :

Scaena = scène / Scaena frons = mur de scène / Postscaenium = coulisses / Orchestra = places réservées aux personnalités importantes puis aux musiciens / Cavea = gradins (qui étaient creusés à l'origine) / Corridor et vomitorium = couloirs et galeries d'accès aux gradins


Théâtre d'Orange (France)

Mosaïque de Pompéi

IV - Genres et personnages

"A Rome, les acteurs à succès deviennent des stars aussi recherchées que les cochers mais restent tout aussi infâmes. Le théâtre romain est un théâtre musical et un théâtre d'acteurs, beaucoup plus qu'un théâtre d'auteurs. Bien souvent, le texte dramatique n'est qu'un prétexte à des performances de chant et de danse.

Le théâtre latin est tout entier ludique et les spectacles scéniques baignent dans l'irréalité. Les théâtres sont constitués d'un immense mur de scène, richement décoré et peint en trompe-l'oeil et de gradins de bois qui créent l'acoustique nécessaire. De cette façade surgissent des personnages étranges, effrayants ou grotesques, venus de l'au-delà du mur, d'un monde qui n'existe qu'en images.

Dans la tragédie, tout est délicieusement faux et terrifiant. Les héros mythologiques des Grecs, drapés d'or et de pourpre, se transforment en monstres et commettent des crimes affreux sur une musique de flûte. Différents personnages cruels chantent leur douleur et leur fureur dans de grands airs qui emplissent le public d'émotion. Le maquillage noir, blanc et rouge, les hautes perruques, les longues robes, l'extrême codification des gestes ôtent tout réalisme au jeu des acteurs qui ne cherchent que l'effet. En outre, dans les parties chantées et dansées, le rôle est joué par deux acteurs en même temps, l'un danse, l'autre chante pendant que le musicien, lui aussi sur la scène, joue simultanément de la flûte et d'une batterie à pied. Machines, trappes, imitation du tonnerre, rien n'est épargné pour faire du grand spectacle: des dieux apparaissent dans le ciel, des fantômes sanglants, hurlant de haine, surgissent des Enfers. Tout cela est si terrifiant que la tragédie est immédiatement suivie d'une farce qui doit ramener la bonne humeur. C'est le plus souvent une atellane : une bande de clowns improvise devant un rideau hissé à mi-hauteur, sur un canevas simple, chacun incarnant un rôle de répertoire comme dans la comedia dell'arte. Pappus est le vieillard ridicule, Maccus, l'imbécile. Comme leur seul but est de ramener la bonne humeur dans le public, dès que les spectateurs s'esclaffent, les acteurs d'atellane concluent leur farce sur une dernière plaisanterie et sortent en courant comiquement avec leurs grandes chaussures plates.

La comédie relève d'une esthétique semblable à celle de la tragédie : danse, musique et irréalité. A ceci près qu'au lieu de voir des crimes mythologiques les Romains assistent incrédules à des histoires rocambolesques, romanesques et mélodramatiques à souhait. Nourrisson volé par des pirates, jeune fille enlevée par un marchand d'esclaves ou qu'agresse un inconnu par une nuit sans lune, fils perdu dans l'incendie d'un théâtre, permettent d'imaginer toute sorte de dénouements aussi heureux qu'inattendus. Avant d'en arriver là, la scène a été occupée par des personnages tous ridicules qui constituent la société comique : des vieillards acariâtres et avares, des jeunes gens amoureux, pleurnichards et sans un sou, des esclaves qui courent dans tous les sens afin de donner aux jeunes gens la femme qu'ils aiment et l'argent pour banqueter avec elle et leurs amis. Ils prononcent sans arrêt des mensonges, se travestissent, montent des intrigues tortueuses.
Tout ce monde chante et danse selon son rôle. Les vieillards ont une voix de basse, un rythme lent, les jeunes gens piaillent et se plient en deux de douleur. Les esclaves, rouquins à gros mollets, courent, bondissent, inventent, savent tout faire et tout imiter. Des personnages odieux, comme les banquiers, obèses et grimaçants, attirent la haine joyeuse du public. Le parasite, grande asperge molle et pâle, toujours en quête d'un banquet pour s'y faire inviter, hurle à la mort sur un ton très aigu. Le public rit de ses malheurs et de sa silhouette équivoque.
Tout finit dans une farandole générale, le jeune homme a la fille et l'argent pour faire la fête, le banquier est jeté dehors, volé et étrillé, le père se résigne à payer, l'esclave boit un coup, le parasite est invité à s'empiffrer avec les jeunes gens. On applaudit et les spectateurs sortent banqueter de leur côté."

(Extrait de la Vie Quotidienne du Citoyen romain sous la République, Florence Dupont, Hachette),

L'exodium : (atellanes, mimes, pantomimes) pièces sans paroles présentées en intermède ou en fin de représentation. Ce sont des farces improvisées, des sketches bouffons, des divertissements populaires dont le but est de faire rire les spectateurs (origine de la comedia dell'arte italienne et de la farce).

Les personnages (atellanes) :

- le macchus = paysan gourmand et sot
- le bucco = personne à grosses joues, sot, bavard et content de lui
- le pappus = vieillard ambitieux, trompé par tout le monde
- le panniculus = sorte d'Arlequin
- le dorsellus = bossu, savant et avare
- les spectres = (le mancutus et le mania) des fantômes redoutables qui menaçaient souvent les enfants.